AproTER

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Développer une agriculture métropolisée, le projet AproTER

Nicolas Rouget, maître de conférences en géographie, a coordonné le projet « Agriculture et proximité, gouvernance alimentaire et territoires », financé par le conseil régional des Hauts-de-France dans le cadre de son appel à projets Systèmes agricoles et environnement (2017-2021). Il nous présente les questions de recherche à l’origine du projet mené entre 2018 et 2021, ses principaux enseignements et les perspectives qu’il a ouvertes.

Les origines du projet AproTER

Ce projet de recherche, porté par l’Université Polytechnique Hauts-de-France associe deux intercommunalités (la Métropole Européenne de Lille et Douaisis agglo) et l’association Terres en ville.

Dans un contexte caractérisé par l’étalement urbain, l’accroissement des demandes sociales de nature, la montée en puissance de la notion de durabilité, la remise en cause des modèles productivistes, ces dernières décennies ont été marquées par le retour de l’agriculture en ville et ont scellé une alliance nouvelle entre nature, ville et agriculture. L’agriculture réintègre l'espace de la ville et redevient partenaire de la cité. Plus que cela même l’agriculture serait devenue une composante non substituable d’une nouvelle urbanité qui nécessairement passe par la promotion des espaces ouverts périurbains et le renouveau de la fonction nourricière de proximité.

Les enjeux principaux sont ceux d’un changement d’échelle ou de braquet dans la dynamique de relocalisation de la production alimentaire, ceux également d’une redéfinition des modalités de mise sur le marché. Il s’agit de dépasser le stade d’une agriculture de proximité vécue comme alternative aux filières conventionnelles pour autoriser le plein développement d’une agriculture métropolisée, soit structurée autour d’un bassin de consommation et non plus prioritairement déterminée en bassins de production, susceptible de contribuer très directement à la mise en œuvre d’une durabilité globale des systèmes alimentaires des territoires.

Le questionnement est systémique et implique donc des analyses englobant l’ensemble des composantes des systèmes agri-alimentaires, depuis les stratégies agricoles jusqu’aux attentes sociales effectives et les représentations politiques. Le programme était largement multi et trans-disciplinaire et a mobilisé économistes, sociologues et géographes de l’UPHF (LARSH), de l’Université de Lille (TVES, CLERSE) et de l’Université de Nantes (ESO).

Les principaux résultats que le projet a permis d’établir

Les premières publications mettent en avant une hybridation et/ou une perméabilité croissante des trajectoires agricoles et invitent les acteurs locaux de l’aménagement à se saisir des intentions des agriculteurs en la matière (Nicolas Rouget, Anne Fournier, Ornella Boutry, 2021). Elles soulignent également que la coalition de cause, constitutive de la gouvernance, autour de la préservation du foncier agricole à des fins alimentaires n’est pas un fait établi. En effet, si on note un intérêt et une prise en compte grandissants de la ressource foncière dans les politiques publiques agricoles et alimentaires en construction, le poids des différentes représentations dans chacun des discours recueillis tend à révéler des intérêts divergents (Louise de La Haye, Guillaume Schmitt, Christine Margetic, 2021) et pose la question de l’adéquation entre les politiques foncières et des objectifs nourriciers.

Les prolongements envisagés

Le programme a donné lieu à l’heure actuelle à douze communications en séminaires et colloques, deux publications dans revues à comité de lecture et trois rapports de recherche.

Les prolongements sont doubles.

En raison de la crise sanitaire, un certain nombre d’enquêtes, publications, analyses et manifestations ont été reportées : des enquêtes sur l’évolution des comportements de consommation (Ornella Boutry, Clersé) et des enquêtes « Durabilité » réalisées au cours de l’automne 2020 (Ornella Boutry, Anne Fournier, Nicolas Rouget), ainsi que les travaux d’observation des savoirs écologiques des agriculteurs péri-urbains (Christelle Hinnewinkel, TVES) sont en cours d’analyse.  Le travail réalisé sur le jeu des acteurs de la grande distribution (Louise de la Haye Saint Hilaire, Nicolas Rouget) fera prochainement l’objet d’un article. Les séminaires Durabilité reprendront dès que le contexte sanitaire le permettra. http://www.ajfournier.fr/projets.html#AProTER).

Cinq IGE ont été recruté.e.s dans le cadre du programme. Deux entre elles poursuivent aujourd’hui la recherche dans le cadre de leurs thèses de géographie. Louise de La Haye Saint Hilaire, en accueil à l’UPHF, est doctorante INRAE (ED ABIES). Son travail interroge les dynamiques des systèmes de production agricole relativement à l'évolution des intermédiaires de la collecte et de la transformation sur le périmètre de l'ex-Région Lorraine et de la Haute-Marne. Manon Tassel (Paris-Nanterre) engage un travail davantage épistémologique et questionne le concept de Révolution agricole.

Par ailleurs, les travaux conduits dans le cadre du programme ont permis l’obtention d’un contrat CIFRE avec la Communauté de Communes Sud Artois. Marine Bré-Garnier vient ainsi de commencer une thèse sous la co-direction de M. Poulot (Paris-Nanterre) et N. Rouget (UPHF) intitulée « Faire système » dans le Sud-Artois : rencontre des aspirations habitantes et agricoles en terre de grandes cultures. Il s’agit de prendre part à la construction d’un Projet Alimentaire Territorial, qui se distinguerait de la démarche institutionnelle standard par un ancrage solide dans un territoire rural et de grandes cultures. L’enjeu est local (économique, social, environnemental), mais également à portée générale. Ce type de territoire représente l’essentiel du potentiel productif agricole national et est donc enjeu premier en matière de transition écologique et de relocalisation agricole et alimentaire.

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