Le cinéaste Arnaud Desplechin à l'UPHF

Après avoir interrogé les institutions de la V^e République avec Jean-Louis Debré et exploré l’univers carcéral avec Plana Radenovic, le cycle de conférences de l’Université des Savoirs Partagés a accueilli un nouvel événement exceptionnel.
Dans le cadre de la thématique « Le Nord à travers le temps du cinéma », l’université a organisé, le 13 février 2024, la projection de Roubaix, une lumière, en présence du cinéaste Arnaud Desplechin, suivie d’une discussion animée par Line Amselem-Szende et Arnaud Huftier, offrant au public un échange rare sur son travail et ses choix artistiques

La genèse et la méthode du film

Le cinéaste a expliqué que son film était né de la découverte du documentaire de Mosco Boucault, qui lui avait fait percevoir les protagonistes comme ses « sœurs en humanité ». Il a souligné sa démarche : privilégier la fidélité au réel, tourner dans des décors authentiques et donner voix aux paroles de ceux que la société rend invisibles. Plus qu’une enquête ou un récit, le film est pour lui un espace de rencontre humaine, où l’empathie et l’attention aux détails de la vie ordinaire construisent la puissance dramatique.

Roubaix intime

Arnaud Desplechin a également partagé son lien personnel avec Roubaix, ville de son enfance marquée par l’immigration et la pauvreté, et l’importance de révéler la dignité du vécu populaire. Au-delà de l’analyse esthétique, le cinéaste avait rappelé la fonction morale du spectacle : transmettre, relier, réconcilier, et permettre à chacun - acteur, spectateur ou témoin - de reconnaître l’humanité en l’autre.

La rencontre s’est tenue à l’Arenberg Creative Mine, lieu emblématique de l’histoire industrielle et de la création audiovisuelle, déjà décor du Germinal de Claude Berri avant sa réhabilitation, symbolisant parfaitement le lien entre patrimoine, mémoire et cinéma.

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Arnaud Desplechin est un des cinéastes français les plus importants et les plus reconnus de sa génération en France et dans le monde.
Son œuvre a été couronnée de nombreux prix, dont le César du Meilleur réalisateur pour Trois souvenirs de ma jeunesse en 2016.

Son cinéma explore avec acuité les liens amicaux et familiaux, la puissance du désir créateur et du désir amoureux, la complexité sociale et la violence de l'histoire sur les femmes et les hommes.

Il a su créer une "famille de cinéma" avec des personnages et des acteurs récurrents (Mathieu Amalric, Emmanuelle Devos, Denis Podalydès mais encore Léa Seydoux ou Catherine Deneuve) dans des films en partie autobiographiques. Il s'éloigne de cette veine, notamment dans ses films en anglais (Esther Kahn en 2000 avec Summer Phénix ou Jimmy P. en 2013 avec Benicio del Toro) ou des adaptations de romans (Tromperie, adapté de Philip Roth, en 2021).
Parmi ses sources formelles, il y a la nouvelle vague ; comme François Truffaut, il est nourri de littérature et d'érudition cinématographique, c'est ainsi qu'il offre des récits dont on conserve l'émotion autant par le souvenir d'un paysage que d'un visage, le tremblement d'un mot choisi ou un mouvement de caméra.

Arnaud Desplechin est né à Roubaix, sa ville et notre région des Hauts-de-France est représentée dans plusieurs de ses films selon des points de vue variés : L'Aimée (2007) est un documentaire sur la maison de ses parents à la veille de sa mise en vente ; Un conte de Noël - Roubaix ! (2009) est un drame familial ; et Roubaix, une lumière (2019) est un policier, le premier de sa filmographie, nommé sept fois aux Césars 2020 et pour lequel Roschdy Zem a obtenu le prix du meilleur acteur.
Ces regards multiples créent une image composite de la ville et de la région, nous avons hâte de (re)voir son film et de l'écouter nous en parler.

Texte de Line Amselem-Szende