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Séminaire Inquiétude(s) : Trouble dans les Humanités

Action Recherche Incitative "Séminaire Les Inquiétudes II"

Souci éthique, enjeux déontologiques, pratiques inquiètes

« Le travail littéraire, auquel participent conjointement l’auteur et l’interprète, nourrit une inquiétude envers les mots hérités de notre tribu et s’efforce de bloquer la circulation des plus « grossiers camions » qui nous infectent la bouche en véhiculant des contenus axiologiques qui contribuent à la reproduction des logiques oppressives. »

Yves Citton, Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ?

« Malheur à moi, qui suis une nuance »

F. Nietzsche, Ecce homo

Les Humanités (du moins, celles qui nous définissent et que nous définissons) n’ont de cesse d’interroger l’avènement et la conduite du sens, jusque dans le non-sens du sens : la linguistique (et particulièrement la sémantique) découvre des lois, mobiles et multiples, par lesquelles le sens des mots, le sens phrastique et le sens textuel se constituent. L’herméneutique tend à faire émerger les fonctionnements des discours. La littérature cherche à donner un sens à des formes, des idées, des représentations et des fantasmes, tout à la fois inventés et indéniablement rationnels. Et cependant, chacune de ses sciences perçoit, depuis l’humain qui est son objet, le possible non-sens de ce sens qu’elle déploie : non-sens de la raison qui s’égare ou qui n’est pas entendue, non-sens historique devant les catastrophes (actuellement, écologiques et guerrières). Inquiétude fondamentale : pourquoi le sens n’arrive pas à faire pleinement sens… Inquiétude disciplinaire liée au fait que les sciences humaines, dans le giron des sciences appliquées, et dans une société couronnant la pratique, est délaissée (par les institutions, entre autres) dès lors qu’elle délie et libère la raison critique de la raison calculante et des activités assimilables par la sphère économique. Inquiétude générale qui peut cependant être à la source de réponses. Ainsi l’étude des arts et de la littérature, sous le concept même de fiction, permet de penser un rapport glissant, mobile, nomade, et réjouissant, au réel (Michel Foucault parlait de l’oblicité de l’imaginaire face à ce dernier).

Les journées d’études de DeScripto proposent de questionner, en les croisant ou non, les inquiétudes ci-dessus précisées (tressées ou non à des sentiments conjoints que sont l’incertitude ou l’angoisse), ou d’en interroger d’autres qui leur seraient soit connaturelles, soit apparemment plus éloignées (en ce sens, travailler sur l’inquiétude et ses ressorts interdit de donner une définition limitée au concept). Concevoir l’inquiétude comme un moteur à la réflexion et à la recherche, voilà le projet. Des discours aporétiques de Platon à l’angoisse de l’existentialisme, de la rhétorique profonde de Baudelaire à l’énigme de l’énantiosémie, des scénographies montrant des corps souffrants aux photographies de Nan Goldin, des fatrasies médiévales jusqu’aux œuvres aléatoires les plus contemporaines, les objets sont nombreux qui disent l’importance, et l’urgence pour nos disciplines, de maintenir l’inquiétude, lieu, certes inconfortable au doute sans cesse réactivé, d’une possible poursuite de l’interrogation, où le réel inquiet dépasse la réalité définie.

Nous nous retrouverons selon des modalités informelles : chacune et chacun pourra entre 20 et 30 minutes, déployer sa réflexion, soit sous forme de lecture, soit en dialogue (avec une personne invitée). Texte rédigé, notes, état des travaux, toute forme sera bienvenue.