Journée de recherche "Consommation et jeux vidéo"
1ère journée de recherche thématique
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Le 07/11/2025
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09:00 - 16:30
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Campus des Tertiales
Salle de conférences
L’industrie du jeu vidéo représente aujourd’hui l’industrie culturelle la plus dynamique et la plus importante en termes de chiffre d’affaires avec 184 milliards de dollars (169,3 Mds euros) et millions de joueurs (allcorrectgames.com, 2024).
Si l’industrie traverse actuellement un moment plus difficile (licenciements dans de nombreux studios, stagnation récente des ventes), son succès est aujourd’hui planétaire – parmi les 10 marchés les plus importants en nombre de joueurs figurent 6 pays dits en développement et un milliard de joueurs vivent en Chine ou en Inde - et désormais les franchises de jeux sont aussi souvent des sources de films et de séries (Fallout), que les films servent de plateforme à des jeux.
Avec le développement de l’usage des smartphones, le jeu vidéo s’est transformé en social gaming (49% du marché en valeur en 2023). Les jeux vidéo peuvent être considérés comme des gatekeepers vers des activités en devenir et notamment le développement des métavers et des activités centrées sur les mondes virtuels ou quasi virtuels (AR, VR).
Loin des clichés alarmistes, le jeu vidéo favorise les relations sociales entre joueurs et non-joueurs (Berry et al., 2022). Leur développement (pénétration) auprès des public, jeunes et moins jeunes, en fait un instrument de socialisation qu’il est difficile d’ignorer.
Et le jeu vidéo infuse le monde de l’entreprise de ses approches collaboratives et managériales, avec le fort développement des approches de gamification, fort présentes dans la recherche académique.
Pourtant, contrairement à la psychologie et à la sociologie, la littérature marketing a relativement peu investi cette aire de recherche. Pour autant, les facteurs explicatifs de la consommation de jeux vidéo ont été explorés, mais pas nécessairement de manière extensive (par ex. Cianfrone & Zhang, 2009). Les typologies de joueurs/ses ont peu été renouvelées depuis le début des années 2000.
L’attrait soutenu pour les jeux vidéo et l’inexorable diversification de leur audience sous-tend la question séminale des causes de leur attrait. Initialement, la littérature s’est concentrée sur des motivations et causes proximales (au sens de Tinbergen, 1952) Plus récemment, des travaux basés sur la psychologie évolutionniste (Breuer et al., 2019) ont proposé des leviers « ultimes ». Ces travaux cherchent tous à expliquer pourquoi les jeux violents exercent un attrait sur de nombreux joueurs mais aussi joueuses, pourquoi la pratique des jeux vidéo ne décroît pas à l’âge adulte, ou bien pourquoi hommes et femmes préfèrent généralement des jeux différents.
En marketing, prédominent des travaux et des recherches qui positionnent les jeux vidéo comme des outils, des supports, des stratégies et actions marketing pour d’autres produits et services : elle se focalise sur leurs effets au profit des processus marketing et de consommation. Traditionnellement la littérature va distinguer les actions menées autour des jeux ou bien dans les jeux (around game vs. in game) mais toujours au profit d’autres objets de consommation. On va étudier particulièrement les effets sur la notoriété des produits et des marques promus, la mémorisation des actions, l’attitude résultante envers marque ou produit, les intentions d’achat, l’image de marque induit, la congruence. La dimension hédonique est ainsi apparue comme, logiquement, structurante (par exemple Caroux et Pujol, 2024). La recherche marketing aborde plus rarement les thématiques centrées sur les consommateurs/trices (ex. Tiercelin et Rémy, 2019 ; ). L’émergence depuis une quinzaine d’années des MMORPG et les velléités des GAFAM de déployer des métavers, souvent basés ou organisés autour des univers virtuels des jeux vidéo, conduisent à placer ces derniers au centre de la stratégie marketing : à la fois supports ubiquitaires et ultimes et objets de consommation centraux, notamment dans la perspective délimitée par l’expérience client (Trabelsi-Zoghlami et al., 2022).
Aujourd’hui, les jeux vidéo, les univers virtuels actuels ou en devenir, apparaissent comme un élément central, un pivot, des stratégies et démarches marketing, qu’elles soient digitales ou physiques. L’offre associe produits (consoles), services et expériences. Les usages sont centrés sur les smartphones. Géographiquement, le marché, dominé par les nouvelles puissances, traduit le basculement en cours des marchés de grande consommation vers les pays du Sud et notamment les marchés asiatiques. Les jeux vidéo entraîne le développement d’approches connexes : streaming de spectateurs via les réseaux sociaux, e-sport, etc. Simultanément, les jeux vidéo, comme tout produit culturel, portent en eux un arbitrage entre le plaisir et la consommation de ressources, notamment d’énergie dans un environnement de plus en plus contraignant.
Pour autant, ce cadre d’analyse ne correspond déjà plus complètement aux actions qui sont aujourd’hui développées : comment analyser des actions d’habillage complet d’un jeu sur une durée déterminée (advergame ou placement de produit) ? comment qualifier des jeux en réalité virtuelle ? à quel type d’action correspondent des skins dans les jeux ? les défilés de mode in-game ? ou bien les magasins virtuels in-game ? quid des actions phygitales (actions autour de la réalité augmentée sur le modèle de Pokémon Go) ?