
Colloque " Fuite au Nord "
Journée 1
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Le 21/03/2025
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09:00 - 18:30
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Colloque
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Université Sorbonne Nouvelle
Campus Nation
salle B115
De la navigation de Pythéas de Marseille vers les horizons brumeux de Thulé (VIIIe siècle av. J. C.) aux traversées arctiques de Knud Rasmussen, Fridtjof Nansen ou Paul-Émile Victor (XXe siècle) en passant par les expéditions britanniques élisabéthaines et victoriennes en quête du Passage du Nord-Ouest, l'imaginaire occidental des voyages au Nord tend à privilégier le motif d’une course au nord : quête concrète et impérialiste de territoires, de voies, de ressources matérielles et humaines ; quête symbolique de l'exploit héroïque - souvent viril - individuel ou collectif, du dépassement de soi comme du prestige national...
Nous proposons d'analyser un autre aspect des représentations du voyage vers les pays froids, qui serait l’envers de la course au nord : la fuite au nord. Dans son roman Fuite au Nord, paru en allemand sous le titre Flucht in den Norden en 1934, Klaus Mann transpose et transfigure sa situation d’exil face au nazisme à travers l’histoire de Johanna, jeune femme allemande que son affiliation au communisme contraint à se réfugier en Finlande dans les années 1930. Les paysages nordiques sont pour Johanna le berceau d’une double découverte : la sérénité de la nature septentrionale, mais aussi l’amour et le bonheur avec Ragnar, qui estompent le fond historique menaçant d’un pays bientôt déchiré par les velléités d’annexion de ses voisins. La fuite au nord est alors synonyme de retraite spirituelle et amoureuse ; de privilège accordé à la liberté et à l’épanouissement individuels au détriment de la responsabilité collective ; de soustraction aux remous de l’Histoire et à la violence du monde moderne au profit d’un refuge dans un univers de pureté et de beauté immémoriales.
Le motif de la fuite au nord nous invite donc à remodeler l’imaginaire occidental du Nord, héritier d’une littérature de voyage façonnée aussi bien par les sagas islandaises médiévales relatant la découverte du Groenland et de Terre-Neuve (Vínland) que par les récits d’exploration de l’Arctique. Le motif de la fuite au nord esquisse une nouvelle cartographie du danger et de l’hostilité, qui déplace les lignes d’opposition entre Nord et Sud et crée de nouvelles représentations.
